Débattre du Jihad du Nikah ou Jihad du sexe dans un
pays comme la Tunisie constitue une gêne évidente pour le tunisien bon père
de famille fier d’une image qu’il s’efforce à entretenir d’une Tunisie
communément présentée comme un pays de longue tradition musulmane réformiste et
siège d’une grande école de doctrine islamique modérée qui remonte à la
fondation des grandes mosquées de Okba (fondée en 670 PC) à Kairouan et celle de la Zitouna (fondée en 732 PC).
Le terme Jihad évoque généralement l’accomplissement d’actes
et de sacrifices par une personne lors d’une guerre reconnue comme sainte par
le Jihadiste et la communauté à laquelle il appartient.
Quant au terme Nikah, on est en droit de le réduire
au sens de l’acte sexuel
accompli par un homme et une femme. Le terme est utilisé dans la doctrine
religieuse pour désigner le mariage, en effet, le contrat de mariage est appelé aussi contrat de Nikah dans la mesure où il permet, substantiellement, à des personnes de sexes opposés d’avoir une
relation sexuelle sous le seau de la légalité.
On est en droit de se demander comment ce
mélange détonnant a pu tenir linguistiquement
entre la notion du Jihad, évocatrice du don de soi pour une cause, et celle du
nikah, frontalement et vulgairement, vu sous l’angle de la prostitution pure et
simple dans toute société arabo-musulmane.
Passant du stade de la rumeur à celui d’un vrai contenu médiatique, Le
Jihad du Nikah a commencé à créer le buzz en Tunisie dès que certains articles et reportages Ont pu établir que certaines jeunes femmes tunisiennes partent
Syrie pour offrir leurs corps aux Djihadistes sur place afin que ces derniers
désaltèrent leur soif sexuelle grâce à ces femmes Djihadistes.
La nouvelle a suscité une réaction officielle de la haute autorité
religieuse en Tunisie. En effet, le Sheikh Othman Battikh, Mufti de la
République Tunisienne, n’a pas manqué de désapprouver la pratique du djihad du
Nikah 19 avril 2013 en le qualifiant de prostitution lors d’une conférence de presse en date du 19
avril 2013. La position Sheikh Othman Battikh sur ce sujet semble lui avoir coûté son poste
de Mufti moins de trois mois après sa déclaration qui représentait une gêne
évidente au gouvernement suspecté d’une forme de complaisance à l’égard de ce
fait social. (Déclaration)
Malgré la réaction du Mufti, les organes de presse du pouvoir en
place en Tunisie ont observé un silence radio sur cette question témoignant de
son anachronisme coutumier jusqu’au 19
septembre 2013, jour où le ministre de l’intérieur avait confirmé ce fait
social lors d’une audition tenue à l’Assemblée Nationale Constituante.
Le fait pour des femmes tunisiennes de partir en Syrie pour
s’adonner, en dehors d’un lien conjugal légal, à des relations sexuelles, avec
des combattants opposés au régime de Bachar
Al Assad, est passible de la peine de mort prévue pour l’adultère selon la Shariâa.
En droit musulman, le crime d’adultère compte parmi ses éléments
constitutifs le fait pour un homme ou une femme de se livrer matériellement à
des pratiques sexuelles avec un partenaire du sexe opposé en dehors de tout
lien préalable de mariage légalement reconnu.
En Tunisie, la loi n’incrimine l’adultère que lorsqu’il est établi qu’au
moins un des partenaires d’une relation sexuelle est déjà lié par un contrat de
mariage. Ainsi, les relations sexuelles entre adultes consentants et non mariés
ne sont pas incriminées, pourvu qu’elles ne rentrent pas dans champ d’application
des diverses atteintes à la pudeur.
Les Jihadistes du Nikah tunisiennes revenant enceintes de la Syrie
ne risquent, donc, pas des poursuites pour adultère tant qu’elles ne sont pas
mariées en Tunisie mais elles ne sont pas à l’abri de poursuites pour d’autres
motifs.
Ces mêmes femmes qui ont répondu à l’appel d’une prétendue Fatwa
taillée sur mesure, fleuron de la Shariâa des pétrodollars, doivent s’estimer
privilégiées du seul fait qu’elles soient tunisiennes puisque si on leur applique
la sanction de la Shariâa à laquelle elles croient, elles risquent la peine
capitale.
Le choix de ces femmes relève strictement de leurs vies privées,
pourtant, les gens, sur les réseaux sociaux, ne ménagent pas leurs jugements de
valeur méprisants à leur égard avec tout l’arsenal du langage vulgaire qui va
avec. Dans le même sens, les bébés de ces femmes sont d’ores et déjà traités de
batards, en toute aisance, par des gens qui ont la chance de ne pas avoir une
Jihadiste du Nikah en guise de mère.
Ceci étant exposé, on est en droit de reprocher à ces femmes de ne
pas avoir pensé au destin des bébés qu’elles portent. Chaque enfant qui va voir
le jour à l’issue de l’aventure du Jihad du Nikah sera dans l’incapacité de
prouver un quelconque lien de filiation avec son père biologique, il sera privé
du vrai nom de son père, de son
affection, de sa présence et de la prise en charge financière des frais de son
éducation, nourriture, soins et autres besoins de la vie.
Heureusement, la loi tunisienne, souvent contestée par ces femmes Jihadistes
du Nikah, a prévu depuis 1998 une solution pour ces enfants dits
« naturels » ou provenant d’une relation illégitime d’un couple non
marié.
En effet, la loi n°75 du 28 octobre 1998, relative à l’attribution
d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue telle que
modifiée par la loi n°51 du 7 juillet 2003, a tenté de sauver ce genre de
nouveau né en lui attribuant impérativement des éléments d’identité selon qu’il
soit abandonné ou de filiation inconnue.
1) L’attribution d’office
d’éléments d’identité pour l’enfant abandonné ou de filiation inconnue mis sous la garde d’un tuteur public :
Selon l’article 2 de la loi n°75-1998 : « : Si aucun des parents des
enfants abandonnés ou de filiation inconnue n'a demandé qu'il leur soient
attribués des éléments d'identité, et ce, dans un délai de six mois
après qu'ils aient été recueillis par les autorités compétentes, le
tuteur public tel qu'il est déterminé par la loi relative à la tutelle
publique, à la tutelle officieuse et à l'adoption doit,
conformément aux dispositions de la loi réglementant l'état civil, attribuer
un prénom aux enfants dont la filiation est inconnue.
Il doit aussi demander au président du
tribunal de première instance compétent d'attribuer à tout enfant abandonné ou
de filiation inconnue un prénom de père, un prénom de grand-père, un nom
patronymique et un prénom de mère ainsi qu'un prénom de père et un nom
patronymique à celle-ci. Le nom patronymique de l'enfant doit être,
obligatoirement, celui du père. »
Ainsi, à défaut pour la mère Jihadiste du Nikah de veiller
activement à l’attribution d’une identité à son enfant, il reviendra au tuteur
public, ayant la garde de l’enfant, de remédier à cette situation en procédant
à l’attribution d’office d’éléments d’identité aux enfants abandonnés ou de
filiation inconnue.
A noter que le
tuteur public est définit par l’article 1er de la loi n° 27 du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle
officieuse et à l’adoption, comme suit : « Est tuteur public
de l’enfant trouvé ou abandonné par ses parents :
- l’administrateur de l’hôpital, de l’hospice, de la pouponnière, le directeur du centre de rééducation ou du centre d’accueil d’enfants, dans les cas où l’enfant a été confié à l’un de ces établissement,
- le gouverneur, dans les autres cas ».
2)
L’attribution d’office d’éléments
d’identité pour l’enfant abandonné ou de filiation inconnue mis sous la garde de sa mère :
Selon l’article premier (nouveau) de la loi n°75-1998, « la mère qui a la garde de son enfant
mineur et dont la filiation est inconnue doit lui attribuer un prénom et son
nom patronymique ou d'en demander l'autorisation… »
Toujours selon le même article, la
mère « doit, en outre, dans un délai ne dépassant pas six mois à compter de la
date de la naissance, demander au président du tribunal de première instance
compétent ou à son vice-président d'attribuer audit enfant un prénom de père,
un prénom de grand-père et un nom patronymique qui doit être, obligatoirement
dans ce cas, le nom de la mère.
La demande est présentée au président
du tribunal de première instance au ressort duquel l'acte de naissance a été
établi. Si la naissance a eu lieu à l'étranger et que la mère est de
nationalité tunisienne, la demande est présentée au président du tribunal de
première instance de Tunis. »
L'officier de l'état civil doit, après l'expiration du délai prévu par l'article 22 de la loi réglementant l'état civil, aviser le procureur de la République que l'acte de naissance de l'enfant ne comporte pas un prénom de père, un prénom de grand-père, un nom patronymique et sa nationalité. Le procureur de la République doit, après l'expiration du délai prévu au premier paragraphe du présent article, demander au président du tribunal de première instance l'autorisation de compléter l'acte de naissance en attribuant à l'enfant de filiation inconnue un prénom de père, un prénom de grand-père et un nom patronymique qui doit être obligatoirement celui de la mère ».
La reconnaissance du droit à l'identité de l'enfant est assortie d'un droit à la nationalité tunisienne puisque tout enfant naît d'une mère tunisienne est en droit de jouir de la nationalité tunisienne.
Les passages suivants du code Tunisien de la nationalité nous épargne une plus ample argumentation :
Article 6 tel que modifié le 1er décembre 2010 dispose qu ' est tunisien l'enfant né d'un père ou d'une mère tunisienne ".
Article 9 : " Est tunisien, l'enfant né en Tunisie de parents inconnus ".
Article 10 : " L'enfant nouveau-né trouvé en Tunisie, est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être né en Tunisie ".
Les enfants bénéficient également des dispositions protectrices de la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant , du 20 novembre 1989, ratifiée par la Tunisie en vertu de la loi n°92 du 29 novembre 1991.
A travers ce verrouillage législatif
du problème posé par la filiation inconnue des enfants pouvant naître de
l’aventure Jihadiste Nikahiste de certaines femmes tunisiennes, il apparaît clair que l’Etat tunisien, grâce à ses lois d’avant 14 janvier 2011, a
tenté d’épargner, tant que possible, à ces pauvres enfants l’humiliation et
l’exclusion.
On est tenté de penser que les
islamistes au pouvoir en Tunisie auront du mal à concevoir de telles
dispositions légales pourtant logiques et porteuses d’une touche évidente
d’humanisme et de miséricorde, le perpétuel ajournement du débat relatif à l’assise idéologique du pouvoir et à la
relation entre le politique et le religieux au sein du Parti au pouvoir en
Tunisie ne fait que conforter cette opinion.
Aussi, il est intéressant de constater
que ces femmes Jihadistes du Nikah rejettent en bloc la majeure partie du droit
de l’enfant et de la famille en Tunisie pour sa contrariété à leur Shariâa
venue d’ailleurs.
Le traitement que réserve la loi
Tunisienne aux enfants pouvant naître suite au Jihad du Nikah est le plus correcte par rapport à ceux en vigueur dans les pays arabes.
Le constat de votre aventure mesdames
les Djihadistes : ce n’est pas l’Etat tunisien gouverné depuis Monplaisir
qui vous a épargné la peine de mort, ce n’est pas lui non plus qui a pensé à
attribuer d’office des éléments d’identité et un état civil à vos futurs
enfants, c’est bien les lois de l’Etat Tunisien qui ont vu venir votre erreur
fatale contrairement à l'Etat gouverné depuis Monplaisir qui a fermé les yeux sur votre recrutement et sur votre ruée
vers le Nikah depuis votre passage des frontières … pour ne pas dire autre
chose.