Hamadi Jebali doit sanctionner Ennahdha pour violation de la neutralité du service public, le fera-t-il ?

Le parti Ennahdha, parti au pouvoir, a obtenu 41,47% des sièges de l'assemblée constituante en Tunisie. A noter aussi que le secrétaire général de ce parti Mr Hamadi Jebali a été bombardé Chef du Gouvernement en Tunisie depuis le 14 décembre 2011.

Inutile de revenir sur le passage en force entrepris par le Parti Ennahdha au sein de l'assemblée constituante pour imposer au nom de la démocratie une loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs publics (sorte de constitution provisoire) largement controversée dans la mesure où elle entasse toutes les prérogatives du pouvoir exécutif ou presque entre les mains du chef du gouvernement y compris le commandement de l'administration publique et des forces de sécurité intérieure.

Le chef du gouvernement tunisien provisoire Hamadi Jebali a été contraint de démissionner de son ancien poste de secrétaire général du parti Ennahdha pour apporter une touche inhérente de neutralité à son siège de chef du gouvernement, un siège censé faire de ce dernier Le chef du gouvernement de tous les tunisiens.

Ceci est une photo qui circule ces derniers jours sur les réseaux sociaux convoités par les Tunisiens : la banderole, signée par le logo distinctif du parti Ennahdha, porte à la connaissance du public que le bureau local du parti Ennahdha à Jawhara (Sousse) organise une journée de consultations médicales gratuites le 1er janvier 2012 à l'hôpital de Oued Bliben de 8h à 17h.

D'un point de vue humanitaire, on ne peut que saluer une telle initiative de la part du parti Ennahdha tant qu'il n'a pas encore nié son implication dans l'organisation de cette initiative humanitaire.

Juridiquement, cette initiative met le chef du Gouvernement Hamadi Jebali dans une situation délicate. En effet, il se doit de constater cette irrégularité flagrante et sommer le Parti Ennahdha de remédier à cette violation majeure de la législation relative aux partis politiques en Tunisie à savoir le décret loi n°87 du 24 septembre 2011 relatif à l’organisation des partis politiques.  

L'article 3 du décret loi n°87 précité impose aux partis politiques le respect de la neutralité de l'administration publique ainsi que la neutralité des services publics.

الفصل 3 ـ تحترم الأحزاب السياسية في نظامها الأساسي وفي نشاطها وتمويلها مبادئ الجمهورية وعلوية القانون والديمقراطية والتعددية والتداول السلمي على السلطة والشفافية والمساواة وحياد الإدارة ودور العبادة والمرافق العامة واستقلال القضاء وحقوق الإنسان كما ضبطت بالاتفاقيات الدولية التي صادقت عليها الجمهورية التونسية.

En organisant des consultations médicales gratuites au sein d'un établissement public de santé (service public) relevant d'une administration publique, il va sans dire que le Parti ennahdha viole l'obligation du respect  de la neutralité du service public et des locaux des administrations publiques telle que prévue dans l'article 3 du décret-loi n°87 relatif à l’organisation des partis politiques.

Conformément à l'article 28 du même décret-loi n°87-2011, cette violation de l'article 3 doit être constatée et réprimée par le Premier Ministre c'est à dire Mr Hamadi Jebali l'ex secrétaire général du même parti (Ennahdha) sachant que le Premier Ministre est à la fois commandeur de l'administration publique (article 18 de la loi Fondamentale n°6 relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics en Tunisie) et dépositaire de l'autorité de contrôle sur les partis politiques (article 28 du décret-loi n°87-2011).

[ الفصل 28 ـ كل مخالفة لأحكام الفصول 3 و4 و7 و8 و9 و16و17 و18 و19 و22 و23 و24 و25 و26 و27 تُعرّض الحزب السياسي للعقوبات طبقا للإجراءات التالية :
1) التنبيه : يُحدد الوزير الأول المخالفة المرتكبة ويُنبه الحزب بضرورة إزالتها خلال مدة لا تزيد عن ثلاثين يوما (30) انطلاقا من تاريخ تبليغ التنبيه.
2) تعليق نشاط الحزب السياسي : إذا لم تتم إزالة المخالفة خلال المدة المنصوص عليها بالفقرة الأولى من هذا الفصل يتخذ رئيس المحكمة الابتدائية بتونس بطلب من الوزير الأول قرار تعليق أنشطة الحزب لمدة لا تزيد عن ثلاثين يوما (30). وللحزب الطعن في قرار التعليق وفق إجراءات القضاء الاستعجالي.
3) الحلّ : يتم بحكم صادر عن المحكمة الابتدائية بتونس بطلب من الوزير الأول وذلك عند تمادي الحزب في ارتكاب المخالفة رغم التنبيه عليه وتعليق نشاطه واستنفاد طرق الطعن في شأن قرار التعليق.]

L'article 28 du décret-loi n°87-2011 Oblige le Premier Ministre à constater la violation de la loi et à notifier au parti Ennahdha une mise en demeure de remédier à la violation de la neutralité de l'administration publique ainsi que la neutralité du service public. Si le parti Ennahdha ne s'exécute pas dans les  (30) trente jours suivants la notification faite par le Premier Ministre, ce dernier est habilité à passer le dossier au Président du Tribunal de Première Instance de Tunis afin de suspendre l'activité du parti contrevenant durant un mois. Si encore Ennahdha ne s'exécute pas même après la suspension de ses activités, le Premier Ministre pourra demander au tribunal la dissolution de ce parti.

Bien entendu, le Parti Ennahdha n'ira pas jusque là mais la question reste posée : est-ce que le Premier Ministre Hamadi Jebali va appliquer la loi oui ou non ? 

L'article 28 du décret-loi n°87-2011 est clair : " Toute violation des dispositions des articles 3, 4, 7 ... expose le parti politique à des sanctions conformément aux procédures suivantes : 
1) La mise en demeure : Le Premier Ministre détermine la contravention commise et met le parti en demeure .... ".  

Il n'y a pas plus simple que ça : infraction => sanction. Le Premier Ministre n'a à ce stade aucune marge d’appréciation, il se doit de constater la matérialité de l'infraction puis  il se doit de mettre en demeure le parti Ennahdha de remédier à l'acte illégal constaté. Le Premier Ministre n'a pas le choix comme il n'a pas à apprécier l'intention, la bonne foi ou la préméditation du parti en question.
 
Alors Mr le Premier Ministre, comment vous allez procéder ? noyer le poisson, faire appel à Mr (Super) Samir Dilou pour sauver la situation ou tout simplement appliquer la loi en mettant le parti Ennahdha en demeure de cesser la violation de la neutralité du service public et de l'administration publique ? 

Maintenant que tout est exposé, si le respect de la loi ne sera pas imposé par le Premier Ministre de tous les tunisiens, il faudra faire recours à la justice pour que ça serve comme  précédant et comme leçon tant qu'on est en démocratie, non ?

4 Responses to Hamadi Jebali doit sanctionner Ennahdha pour violation de la neutralité du service public, le fera-t-il ?

  1. MARWA says:

    Il vous faut, monsieur, des cours extensifs même en juridique pour pouvoir lire convenablement les termes d'un texte législatif pareil :) le parti doit respecter la neutralité de l'administration ET les services publiques. (waw el 3atff bel 3arbi). organiser une consultation gratuite relève d'un service publique que le parti n'y affiche en vis à vis que du respect. Sinon, on pourrait toujours suivre l'affaire, selon vos sources, ils leur reste encore deux mois !!! c'est beaucoup quand même, ils pourraient se rattraper, si ce n'est de l'avertissement nonsense :) ta7iyéti

  2. enchanté madame Marwa, je ne discuterai pas vos aptitudes juridiques et je ne vous suggère pas de mettre en cause les miennes sans arguments juridiques solides que j'aurai un immense plaisir de lire.

    Pour revenir à votre remarque, l'organisation d'une consultation médicale dans un hôpital public n'est pas conforme à la loi. le service public doit rester neutre et ne pas favoriser un parti parmi d'autres, l'administration publique n'est pas un lieu de propagande partisane.

    لا يمكن تسخير المباني والموارد العمومية للعمل الحزبي وهذا أضعف الإيمان من ناحية الحياد ... وللحديث بقيّة في إطار أكثر جديّة

  3. RamziD says:

    Seul problème Kaïs, la consultation a déjà eu lieu (très probablement) et a eu ses effets politiques recherchés.. Je doute fort que le premier ministre y reviendra (même s'il semble clair que la loi l'y oblige).. Au pire, il y aura une déclaration discrète comme quoi ça ne se répètera pas (jusqu'à la prochaine fois) :/

  4. @RamziD : Le problème dépasse l'application de la loi et l'éthique politique, où sont nos médias ? je n'ai entendu aucun média parler de ça ... malheureusement, ce n'est pas comme ça qu'on avancera dans la construction démocratique.

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