Sexe :
établissement public à caractère administratif.
Date
de naissance : 6 novembre 2013.
Acte
de naissance : décret °4506-2013 Journal Officiel n°90 du 12
novembre 2013.
Lieu de naissance : Palais du Gouvernement à la Kasba.
Lieu de naissance : Palais du Gouvernement à la Kasba.
Nom
du père : raison d’Etat.
Nom
de la mère : inconnu.
Tuteur
légal : Ministère des technologies de l’information et de la
communication.
Profession : voyeurisme.
Financement : Public.
Adresse : Rue de l’intimité.
Surnom :
Ammar 404.
Instituée
par le décret n°4506-2013 du 6 novembre 2013, l'agence technique des
télécommunications « ATT » constitue, de part son organisation,
fonctionnement et ses attributions
atypiques, une nouvelle catégorie d’établissements publics administratifs (EPA). En tant qu’entité publique, elle soulève des
interrogations à tous les niveaux, qu’ils soient formels, organiques,
techniques ou juridiques.
Selon
l’article 2 du décret n°4506-2013, « L'agence
technique des télécommunications assure l'appui technique aux investigations
judiciaires dans les crimes des systèmes d'information et de la communication,
elle est à cet effet chargée des missions suivantes:
Ø
la réception
et le traitement des ordres d'investigation et de constatation des crimes des
systèmes d'information et de la communication issus du pouvoir judiciaire
conformément à la législation en vigueur.
Ø
….
Ø
….. ».
L’analyse des dispositions du paragraphe 2 de cet article permet de soulever une batterie d’irrégularités juridiques tenant à l’inconstitutionnalité et à l’illégalité du rôle à jouer par l’ATT, à savoir l’appui technique aux investigations ordonnées par le pouvoir judiciaire, dans les crimes des systèmes d'information et de la communication.
I)
Remarques préliminaires :
· La création de l’ATT par décret, sous la forme d’un EPA, est une compétence exclusive reconnue au président du gouvernement conformément à l’article 17 de l’organisation provisoire des pouvoirs publics (OPPP). Si L’ATT était conçue sous le règne de la Constitution Tunisienne de juin 1959, elle aurait, nécessairement, fait l’objet d’une loi.
L’exigence
de l’intervention d’une loi pour la création d’une nouvelle catégorie
d’établissement public était conçue, notamment, pour garantir un seuil de
règles standards communes aux établissements publics, appartenant à la même
catégorie, afin de rationaliser l’action de l’administration publique.
En
l’absence de tout encadrement législatif préalable, le transfert de cette
compétence exclusive au profit du pouvoir exécutif, a fini par démontrer son
inadéquation à travers la création d’une ATT souillée d’irrégularités, à tous
les niveaux.
· Par ailleurs, le décret n°4506-2013
précise explicitement que l’ATT reçoit et traite les ordres d’investigation
émanant du pouvoir judiciaire, ceci sans faire allusion au Tribunal
Administratif. Cette limitation est non seulement inconcevable, mais aussi
illégale, puisque la loi organique n°40-1972, relative au Tribunal Administratif, prime sur le décret relatif à l’ATT dans la hiérarchie des normes juridiques.
Ainsi,
le président du gouvernement a violé la loi lorsqu’il s’est permis, par décret,
de limiter le champ d’intervention et les pouvoirs d’investigation du Tribunal
Administratif, alors que ce tribunal détient ses pouvoirs d’investigation et
d’enquête d’une loi organique (n°40-1972), à laquelle le décret relatif à l’ATT
devrait se conformer.
·
Aussi, il y a lieu de dénoncer la passivité
du conseil des ministres et du président de la république, l’un pour avoir
accepté ce texte sans objections lors de ses délibérations, et l’autre pour
avoir observé un silence radio à son sujet.
Le
passage en force du décret instituant l’ATT, dans sa dangereuse configuration
actuelle, était censé réanimer le réflexe du militant chez le président de la
république et quelques ministres, qui ont fait de la défense des libertés
fondamentales, par le passé, un vrai fonds de commerce.
II ) Sur le fond :
A) Les
manifestations de l’inconstitutionnalité
Les
causes d’inconstitutionnalité, que soulève le décret instituant l’ATT, tiennent
à la violation de la constitution, la violation de principes constitutionnels
ainsi que la violation du droit international.
1)
Inconstitutionnalité tenant au vice d’incompétence :
violation du principe de la séparation des pouvoirs
En
principe, le juge s’adresse au justiciable, lors d’un procès, en ces termes :
« donne-moi le fait, je te donnerai le droit ». La portée de cet
adage se trouve largement atténuée lors d’une poursuite pénale qui, de part la
nature inquisitoire de ses procédures, amène le juge pénal à jouer un rôle
beaucoup plus actif dans la quête de la vérité judiciaire, à travers la
recherche des preuves et l’établissement des faits.
C’est
précisément dans ce contexte que le juge tunisien sera appelé à solliciter les
services de l’ATT qui, en poursuivant sa mission de support technique aux enquêtes
judiciaires, assurera la « réception
et le traitement des ordres d'investigation et de constatation de ces crimes
des systèmes d'information et de la communication, issus du pouvoir judiciaire
conformément à la législation en vigueur » selon l’article 2 du décret
n°4506-2013.
La
terminologie utilisée est manifestement imprécise et étrangère au langage
d’usage. Selon le texte, l’ATT est chargée du « traitement » des ordres d’investigation, le choix de ce vocable est juridiquement impertinent et maladroit, car l’ATT est appelée à s’exécuter et non pas à traiter. De même, l’emploi du vocable
« crimes » est absurde puisqu’on ne peut pas savoir si le texte vise
le sens général du "crime" en tant qu'infraction pénale dans l’absolu ou son sens
technique qui désigne la catégorie des infractions pénales graves, sanctionnées par une
peine de plus de 5 ans d'emprisonnement.
Concrètement,
l’ATT opère sur un terrain traditionnellement réservé aux officiers de police
judiciaire, puisqu'on lui a délégué la mission de constater les crimes et de
mener l'investigation sur le plan technique.
En
quoi ce recours procédural à l’ATT, pour des considérations techniques, dérange
tant une fraction des Tunisiens ? Après tout, le juge réclame souvent la constatation des
faits aux officiers de la police judiciaire et à une certaine catégorie de
fonctionnaires publics. En quoi l’intervention de l’ATT dans le procès gêne ?
La constatation des faits, des crimes et la
collecte des éléments de preuve sont à la charge d’officiers publics
spécialement mandatés et visés dans la loi, tel un officier de la police
judiciaire ou un juge d’instruction lors d’un procès pénal.
Or,
en habilitant l’ATT à constater un crime, on lui confie nécessairement
l’exécution d’un acte procédural juridictionnel, un acte qui engendre de très lourdes
conséquences juridiques, puisqu’il pourra
servir de base matérielle à une condamnation criminelle.
L’intervention
des agents de l’ATT, dans l’exécution d’une procédure juridictionnelle, serait conforme
au droit Tunisien sur le plan théorique, s’ils étaient habilités à cette
mission par un texte de loi, car les textes régissant les procédures devant les
tribunaux doivent obligatoirement prendre la forme d’une loi, selon la lettre de
l’article 6 alinéa 2 tiré 3 de l’OPPP.
Cette compétence reconnue au pouvoir
législatif, depuis la constitution Tunisienne du 1er juin 1959, a toujours fait
partie du système juridique Tunisien, elle ne fait que confirmer le principe de
la légalité des peines et les garanties constitutionnelles et conventionnelles
du procès équitable.
Ainsi,
et empiétant sur la compétence du pouvoir législatif, le décret n°4506-2013
relatif à l’ATT encoure l’annulation pour inconstitutionnalité tenant à la
violation du principe de la séparation des pouvoirs et usurpation d'une compétence qui relève expressément du domaine de loi. .
2)
Inconstitutionnalité tenant à la violation des droits de la
défense : violation d’un principe fondamental à valeur constitutionnelle
Le
fait de prévoir, par décret, le passage par les services techniques de l’ATT
pour constater les crimes des télécommunications, constitue une violation
manifeste des droits légitimes du prévenu pour les raisons suivantes :
Ø
Le prévenu est privé de l’exercice
de son droit sacré à la défense devant cette agence, il ne peut pas assister ni
être représenté au moment du constat pour vérifier la matérialité des faits
pouvant être relevés par l’ATT.
Ø
Le prévenu n’est pas en mesure de
vérifier ni de savoir, à l’avance ou au moment du constat, quels sont les procédés
utilisés par l’agence pour pouvoir apprécier leur adéquation, proportionnalité
ou conformité aux standards techniques requis.
Ø
Le prévenu n’est pas admis à
prendre connaissance de l’identité des agents de l’ATT en charge du dossier, il
ne peut pas donc vérifier, le jour de l’établissement du constat, leur
habilitation légale et leurs qualifications professionnelle et techniques pour constater le crime en
question. Ainsi, il sera privé de formuler toute réserve ou récusation à
l’encontre des agents en question.
Ø
En l’absence d’un mode technique et
procédural connu à l’avance, le prévenu, le juge ainsi que l’expert judiciaire
ne peuvent, utilement, opérer un contrôle a postériori sur l’exactitude du
résultat final « attesté » par l’ATT.
Ø
La lecture du PV de constat ne sera
donnée, séance tenante, devant le prévenu et a fortiori il ne sera pas paraphé
par sa signature.
Le
décret instituant l’ATT renferme, et de très loin, moins de garanties
d’impartialité, de probité et de transparence que tous les textes de lois visés
dans son préambule. Pratiquement, ce décret affranchi les agents de l’ATT du
seuil minimal des droits de la défense à respecter, alors que les textes de loi
imposent, sous peine de nullité, aux officiers de la police judiciaire l’observation
de formalités et de garanties concrètes à l’occasion des constats et des investigations.
Ces
quelques restrictions injustifiées constituent une violation manifeste de
droits ayant une valeur constitutionnelle, à savoir, les droits de la défense.
3)
Violation du principe de la légalité des peines et des délits :
violation d’un principe fondamental à valeur constitutionnelle
Le
principe fondamental de la légalité des peines et des délits fait que nul ne
peut être poursuivi ou condamné pour un crime ou un délit, sans que le fait qui
lui est reproché soit antérieurement et
explicitement prévu et incriminé, en tant que tel, par un texte de loi. En
effet, la loi pénale se doit, sous peine d’inconstitutionnalité, d’être claire,
explicite et précise, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est
d’interprétation restrictive, et qu’en cas d’incertitude, on accorde au suspect
le bénéfice du doute.
Appliquées
au décret n°4506-2013 relatif à l’ATT, ces garanties constitutionnelles ne
semblent pas inspirer les auteurs de ce texte. En effet, l’article 2 du décret
en question, vise la catégorie des « crimes des systèmes d'information
et de la communication » sans qu’il y ait, au préalable, une loi qui,
en utilisation cette terminologie, donne un sens et un contenu propre à ces crimes.
Certes,
il existe en droit tunisien des textes incriminant divers actes perpétrés dans
les secteurs de l’information (Décret-loi n°115-2011 relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l'édition / Code Pénal) et de la communication (Codes des télécommunications
/ Code Pénal / Code de la Poste …), mais aucune de ces lois éparpillées n’a
jamais utilisé les qualificatifs de crimes des systèmes d'information et de
la communication.
Tels
qu’évoqués dans le décret n°4506-2013, les crimes des systèmes
d'information et de la communication ne renvoient à aucun corps de textes
cohérents et homogènes, permettant de cerner cette catégorie de crimes, jusque
là doublement indéfinis sur les plans matériel et terminologique. De ce fait, l’ATT
ne pourra, légalement, constater des crimes dont la terminologie est imprécise
et sans contours.
Ainsi,
tant que la détermination des crimes et des délits demeure du ressort du
pouvoir législatif, le président du gouvernement agissant par voie du décret
4506-2013, avait violé le principe de la séparation des pouvoirs dans la mesure
où il a empiété sur la compétence du pouvoir législatif, lequel est, le seul
habilité à déterminer les délits et leurs peines respectives.
Les
vices d’incompétence et d’inconstitutionnalité, tirés de l’atteinte frontale à
un principe aussi intouchable que celui de la légalité des peines et des délits,
sont assez graves pour que l’on puisse
qualifier le décret relatif à l’ATT d’acte dénaturé et inexistant. C’est la
qualification retenue en droit pour désigner l’acte administratif ou
gouvernemental qui plonge dans l’illégalité au point d’être réputé ne jamais
exister dans l’ordre juridique de l’Etat.
4)
Inconstitutionnalité tenant à la violation du Pacte sur les droits
civils et politiques signé à New York en 1966 : violation du droit
international
Bien
que l’OPPP a manqué de confirmer la valeur supra-légale et
infra-constitutionnelle des conventions internationales ratifiées par l’Etat
Tunisien, la supériorité des traités et des conventions par rapport aux lois internes
ne fait aucun doute en Tunisie, et demeure une règle à valeur
constitutionnelle.
Dans le cas de l’ATT, on est en
droit de s’interroger sur la légalité des compétences qui lui sont reconnues par
simple décret, par rapport aux engagements de l’Etat Tunisien en vertu du PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES, signé à New York en 1966 et ratifié par la Tunisie en date du 18 mars 1969.
Les
dispositions qui nous intéressent dans ce PACTE, sont celles relatives aux :
Ø
garanties légales de
l’inviolabilité de la vie privée, des correspondances et du domicile (article
17) ;
Ø
garanties légales de la liberté de
pensée, de croyance et de religion (article 18) ;
Ø
garanties légales de la liberté
d’opinion et d’expression (article 19).
Chacune
de ces libertés pourrait être limitée par une loi spécifique, pour des
considérations tenant à la sauvegarde de l’intérêt général et au respect des droits d’autrui. L’ATT est
directement concernée par ce Pacte, dès lors qu’elle intervient dans l’enquête
sur les crimes des systèmes d’information et de la communication. Elle est
concernée également par ce Pacte, puisqu’elle est chargée de « l’exploitation
des systèmes nationaux de contrôle du trafic des télécommunications dans le
cadre du respect des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme
… » selon l’article 2 - tiret 3 du décret 4506-2013.
Sur
le plan de la forme, le Pacte de 1966 précise qu’il revient à la loi de poser
les limites aux droits qu’il garanti, la même loi devrait prévoir les garanties
nécessaires à la délimitation des restrictions, la détermination des crimes liés à l’exercice abusif de ces droits et les
garanties procédurales et juridictionnelles à observer lors des poursuites.
Le
recoupement entre le champ d’application des droits reconnus par le Pacte avec
le champ d’action de l’ATT permet de soulever des interrogations évidentes liées,
d’une part, à la nature réglementaire du texte instaurant l’ATT, et au défaut
de délimitation des prérogatives reconnues à cette agence dans le domaine de
l’exploitation des systèmes nationaux de contrôle du trafic des
télécommunications d’autre part.
Si
on ajoute à ces contradictions l’opacité de cette agence sur tous les plans,
l’absence de mécanisme d’audit ou de contrôle technique neutre et impartial sur
les travaux de l’ATT, et le fait que ses agents ne soient pas assermentés, on
finit par se demander : Comment pouvons nous être certain que l’ATT
respectera la substance des droits et des libertés reconnus dans les Conventions Internationales ratifiées par la Tunisie à l'image et notamment le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ?
En
l’absence de mécanismes de contrôle et d’un code de conduite contraignant et
dissuasif, les agents de l’ATT seront, de fait, livrés à eux-mêmes lors de
l’exploitation de la plus redoutable infrastructure de contrôle des systèmes de
télécommunications en Tunisie.
Il
est à rappeler que les droits proclamés dans le Pacte de New York sont
substantiellement repris par des lois organiques, qui imposent un seuil minimum
de garanties et de transparence dans l’action des instances chargées de
superviser l’application de ces lois. L’ATT se permet, ainsi, de se mêler, par
simple décret, à un domaine régi par des lois organiques, en s’affranchissant
de tous les garde-fous. En effet, l'ATT n'est pas liée, en termes explicites, d'observer les principes de base de la surveillance et l'exploitation des réseaux notamment, les exigences de la nécessité, la proportionnalité, la transparence, le contrôle public et/ou indépendant ... etc
Pour
tous ces motifs, il convient de constater que l’ATT, telle que conçue par le
décret 4506-2013, n’offre aucune garantie concrète de sauvegarde des droits
reconnus par les articles 17, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966.
Récapitulatif
Le
décret portant création de l'agence technique des télécommunications encoure
l’annulation, par voie de recours, pour excès de pouvoir devant le Tribunal
Administratif, pour inconstitutionnalité, sur la base des motifs suivants :
ð Violation de l’article 6 de l’organisation provisoire des pouvoirs
publics et du principe de la séparation des pouvoirs suite à l’empiétant du Président
du Gouvernement, agissant par voir de décret réglementaire, sur la compétence du
pouvoir législatif, seul admis à habiliter l’ATT, par une loi, à remplir des
missions d’enquête et de constatation des crimes.
ð Violation des droits de la défense et des garanties
constitutionnelles du procès équitable.
ð Violation du principe constitutionnel de la légalité des peines et
des délits.
ð Violation du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966.
B) Les vices
d’illégalité
1) L’exercice d’une mission d’officier de police
judiciaire sans habilitation législative :
Le décret est un texte juridique
émanant du chef du pouvoir exécutif, il n’est pas admis à intervenir, ou à empiéter sur les matières qui relèvent du
ressort de la loi, il se doit aussi d’être conforme à la loi.
L’ATT
interviendra directement dans la
poursuite civile ou pénale, sur demande du juge, du procureur de la république
ou du juge d’instruction, alors que ses agents ne sont ni assermentés ni
habilités, par un texte de loi, comme devrait l'être tout officier public, ou
tout fonctionnaire de l’Etat, ayant le titre d'officier de la police judiciaire.
Les
officiers, exerçant la mission de police judiciaire, parmi les forces de
sécurité intérieure, sont énumérés dans l’article 5 alinéa de la loi n°82-70 du
6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure[i]. Bien évidemment, les
agents de l’ATT ne font pas partie de cette liste, puisqu’ils n’appartiennent
pas au corps des forces de sécurité intérieure.
Selon
l’article 9 du Code des Procédures Pénales (CPP), « la police judiciaire
est chargée de constater les infractions, d’en rassembler les preuves, d’en
rechercher les auteurs … », elle est exercée en vertu de l’article 10 du
même code, sous l’autorité du Procureur Général à la Cour d’Appel
territorialement compétente, par :
1) « Les procureurs de la république et leurs substituts ;
2) Les juges cantonaux ;
3) Les commissaires de police, officiers de police et chefs de postes
de police ;
4) Les officiers, sous-officiers et chefs de postes de la garde
nationale ;
5) Les cheikhs ;
6) Les agents des administrations qui ont reçus des lois spéciales le
pouvoir de rechercher et de constater par des procès
verbaux certaines infractions ;
7) Les juges d’instruction dans les cas prévus par le présent
code ».
Une
lecture combinée de l’article 2 du décret n°4506-2013 créant l’ATT et de l’article
10 du CPP, appelle les conclusions suivantes :
Ø
Les missions de traitement des
ordres d’investigation et de constatation des crimes reconnus à l’ATT, se
recoupent expressément avec le propre de la mission de la police judiciaire
selon les articles 9 et 10 du CPP.
Ø
Le point 6 de l’article 10 du CPP
exige, clairement, que l’agent public ou administratif, exerçant une mission de
police judiciaire, soit spécialement habilité à constater des crimes déterminés
par une loi spécifique. Contrairement à cette exigence légale, les agents de
l’ATT sont, illégalement, habilités par décret à constater des crimes dont les
contours sont indéfinis.
Ø
L’article 10 du CPP exige
l’habilitation légale des agents administratifs à constater les crimes, alors
qu’il ne l’a pas exigé pour les autres officiers de police judiciaire car ces
derniers, sont préalablement assermentés et mandatés à cet effet par les textes
de lois régissant les corps de métiers en question. L’exigence de
l’habilitation légale préalable prouve que la qualité d’agent public ou
administratif ne suffit pas, aux agents de l’ATT, pour exercer une mission de
police judiciaire.
En
droit tunisien, un procès verbal constatant un crime n’est valable, en justice,
que s’il a été établi par un agent public assermenté et spécialement habilité
par la loi à cet effet.
L’habilitation
légale n’est accordée à l’officier public chargé de constater les crimes, que
s’il répond à des conditions tenant à la probité, à des qualifications
techniques confirmées et à un grade professionnel déterminé. Aussi, il est à
rappeler que le pouvoir de constatation des crimes reconnus aux officiers
publics n'est pas universel, en effet, l’officier public ne peut constater que
les crimes qui relèvent de son domaine de compétence technique et qui sont
spécifiquement visés dans la loi qui l’a
habilité.
Il
est à rappeler aussi, que l’assermentation et l’habilitation légale
obligatoires des agents publics, poursuivant une mission de constatation des
crimes, ont été prévues dans toutes les lois[ii] ayant reconnu de telles
missions à des agents publics ne faisant pas partie du corps des officiers de
la police judiciaire.
La
mission de constatation des crimes n’est pas à prendre à légère, car « les
procès verbaux ou rapports établis par les officiers de la police judiciaire ou
les fonctionnaires ou agents auxquels la loi a attribué le pouvoir de
constater les délits et les contraventions,
font foi jusqu’à preuve du contraire ». (Article 154 du CPP)
Ainsi
et sur la base de cet article, tant que l’habilitation légale fait défaut aux
agents de l’ATT, les PV de constat ainsi que les résultats des travaux
d’investigation opérés par ces agents, ne pourraient faire foi et devraient
être considérés comme nuls, à titre absolu, pour vice d’incompétence, et ne
peuvent, en conséquence, servir comme moyens de preuve pour fonder une
quelconque condamnation en justice.
On
ne comprend pas toujours comment peut-on, grossièrement, déléguer et sans
habilitation légale, à des agents administratifs non assermentés, une mission
d’enquête, d’expertise judiciaire, de recherche d’identité, de divulgation de
données personnelles, de violation du secret des correspondances, ou de constat
de faits pouvant constituer des preuves pour l’inculpation une personne ?
Pour
toutes ces irrégularités, le décret n°4506-2013 relatif à l’ATT encoure
l’annulation, pour excès de pouvoir sur la base des motifs suivants :
ð Violation des dispositions des articles 9, 10 et 154 du Code des
Procédures Pénales.
ð Vice d’incompétence résultant de empiétement sur le domaine e la loi.
ð Violation des dispositions de l’article 5 de la loi n°82-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure.
2)
Violation de la compétence des agents assermentés relevant du
Ministère des Technologies de l’Information et de la Communication
L’article
2 du décret n°4506-2013 a confié à l’ATT « le traitement des ordres d'investigation et de constatation
des crimes des systèmes d'information et de la communication issus du pouvoir
judiciaire conformément à la législation en vigueur. »
Raisonnablement,
cette mission suppose que l’ATT a été conçue pour remplir un vide légal,
institutionnel et technique dans le domaine de la constatation des crimes liés
aux systèmes d'information et de la communication.
Cet argument ne tient pas puisqu’il existe, en droit tunisien, tout un arsenal de lois prévoyant qui fait quoi en matière de constatation des crimes liées aux systèmes d'information et de communication.
En effet, l’article 79 du Code des télécommunications nous apprend que les agents assermentés du Ministère des télécommunications sont habilités à constater les infractions prévues dans le même code. Ces agents partagent cette mission avec les officiers de la police judiciaire et les agents assermentés du Ministère de l'intérieur, selon le même article.
comment expliquer le dédoublement de fonction, en matière de constatation des crimes, entre les agents assermentés du Ministère ministère des technologies de l’information et de la communication visés par l'article 79 du code des télécommunications, et les agents de l'ATT chargés de la même mission et travaillant, également, pour une agence placée sous la tutelle du ministère des technologies de l’information et de la communication ?
Outre le Code des Télécommunications, il existe d'autres textes prévoyant la compétence d'agents publics assermentés pour constater les crimes liés aux systèmes d'information et de la communication. On peut citer à titre d’exemple :
Cet argument ne tient pas puisqu’il existe, en droit tunisien, tout un arsenal de lois prévoyant qui fait quoi en matière de constatation des crimes liées aux systèmes d'information et de communication.
En effet, l’article 79 du Code des télécommunications nous apprend que les agents assermentés du Ministère des télécommunications sont habilités à constater les infractions prévues dans le même code. Ces agents partagent cette mission avec les officiers de la police judiciaire et les agents assermentés du Ministère de l'intérieur, selon le même article.
comment expliquer le dédoublement de fonction, en matière de constatation des crimes, entre les agents assermentés du Ministère ministère des technologies de l’information et de la communication visés par l'article 79 du code des télécommunications, et les agents de l'ATT chargés de la même mission et travaillant, également, pour une agence placée sous la tutelle du ministère des technologies de l’information et de la communication ?
Outre le Code des Télécommunications, il existe d'autres textes prévoyant la compétence d'agents publics assermentés pour constater les crimes liés aux systèmes d'information et de la communication. On peut citer à titre d’exemple :
ð
La loi n°63-2004 du 27/07/2004 relative
à la protection des données personnelles: l’article 102 de cette loi habilite
exclusivement les agents assermentés du Ministère des télécommunications, le
procureur de la république, le juge cantonal et les officiers de la police
judiciaire (Police et Grade Nationale) à
constater les crimes visées par de la loi n°63-2004 relative à la protection
des données personnelles.
ð La loi n°51-2005 du 27/06/2005 relative au transfert électroniques de
fonds : l’article 19 de cette loi habilite exclusivement les
agents assermentés du Ministère des télécommunications, les agents assermentés
du ministère des finances, les agents assermentés de l’Agence Nationale de la
Certification Electronique et les officiers de la police judiciaire à constater
les crimes visés par cette loi.
ð Le Code des Postes : l’article 22 de ce code habilite
exclusivement les agents assermentés du Ministère des télécommunications, les
agents assermentés du ministère des finances, les inspecteurs du contrôle
économique (visés dans la loi sur la concurrence et les prix) et les officiers
de la police judiciaire à constater les crimes prévus dans ce code.
ð
La loi n°36-1994 du 26/02/1994
relative à la propriété littéraire et artistique : l’article
54 (nouveau) de cette loi confie la mission de constatation des infraction a cette loi, exclusivement, aux officiers de la police judiciaire, les agents des douanes, les agents
du contrôle économique désignés conformément au statut particulier du corps
des agents du contrôle économique et les agents
habilités par le ministre chargé de la culture, parmi les agents du ministère
chargé de la culture et des établissements placés sous sa tutelle, de la
catégorie « A » et qui sont assermentés à cet effet.
Ces
quelques exemples d’habilitations légales de constatation des crimes suscitent les
remarques suivantes :
Ø Ces lois couvrent une très grande
partie des crimes des systèmes d’information et de télécommunication, il s’agit
en effet des mêmes crimes que l’ATT est appelée à constater.
Ø Ces lois imposent aux agents
compétents le respect des plusieurs formalités procédurales garantissant un
seuil minimum de probité et de garanties, alors que les agents de l’ATT sont
vaguement appelés à respecter la « législation en vigueur » lors de
l’accomplissement de leurs missions indéfinies.
Ø Ces lois exigent expressément une
assermentation spécifique aux fonctionnaires d’Etat chargés de constater les
crimes, alors que le décret relatif à l’ATT ne fait aucune allusion à
l’assermentation des agents de cette agence.
Ø Ces lois sont d’une valeur
juridique ou normative supérieure au décret instituant l’ATT, et pourtant, ce
décret habilite, illégalement, les fonctionnaires de cette agence à exercer des
prérogatives concurrentes à celles prévues par ces lois aux agents publics
assermentés.
Le
principe du parallélisme des formes impose l’adoption d’une loi pour habiliter
les agents de l’ATT à exercer des missions concurrentes à celles reconnues par
d’autres lois à des fonctionnaires assermentés.
En
conséquence, il a été établi que le
décret instituant l’ATT repose sur des vices d’excès de pouvoir et encoure l’annulation
pour ces motifs :
Ø
Violation des règles de la compétence ;
Ø
Violation du principe général du
droit qui fait que « nul ne peut conférer à autrui plus de droits
qu’il n’en a lui-même » (article 551 du Code des Obligations et des contrats).
Ø Empiétement sur les prérogatives d’agents
publics mandatés par un texte de loi.
Sinon,
les agents de l’ATT peuvent, entre-temps et en parfaite illégalité, se
contenter de remplir leur vraie mission, celle de l’exploitation des systèmes
nationaux de contrôle du trafic des télécommunications.
III) Voie de
recours :
Le décret réglementaire est l’instrument normatif
permettant à l’autorité qui représente l’exécutif,
d’exercer le pouvoir réglementaire général. Un tel pouvoir permet au pouvoir
exécutif, dans les limites fixées par la constitution, d’agir par décret en
tant législateur, en édictant des règles juridiques générales à vocation
réglementaire.
Le décret à caractère réglementaire intervient :
- soit en application d’une loi qui lui délègue la détermination des
détails réglementaires.
- soit à titre primaire pour réglementer une matière qui relève
d’office de la compétence du pouvoir exécutif.
- soit par défaut pour réglementer une matière qui ne relève pas,
expressément, du domaine de la loi.
Bien qu’il se situe au sommet des instruments juridiques utilisées par le pouvoir exécutif, le décret à caractère réglementaire est, néanmoins, tenu de se conformer à ses supérieurs hiérarchiques dans la pyramide des normes juridiques, à savoir, le décret-loi, la loi ordinaire, la loi organique, la loi référendaire, les principes généraux du droit, les conventions internationales et enfin la constitution.
D’ailleurs, c’est l’inobservation de la hiérarchie des normes juridiques qui a souillé le décret n°4506-2013 relatif à l’ATT, d’illégalité et d’inconstitutionnalité.
Sur le plan contentieux, la voie d’action directe admise en droit tunisien pour l’annulation du décret instituant l’ATT est celle du recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif.
Le recours en annulation contre un décret à caractère réglementaire doit, sous peine d’irrecevabilité, satisfaire à des conditions procédurales et formelles spécifiques[iii]. En effet, l’article 35 de la loi organique n°40-1972 du 1er juin 1972 relative au Tribunal Administratif, dispose que :
« Le recours pour excès de
pouvoir, concernant les décrets à caractère réglementaire est introduit par
l'intermédiaire d'un avocat à la cour de cassation. Le recours préalable y est obligatoire. »
Une fois le recours préalable intenté devant l’autorité ayant édicté le décret attaqué, le président du gouvernement Tunisien disposera d’un délai de deux mois (60 jours) à partir de la date du dépôt du recours préalable pour formuler sa réponse.
Selon l’article 37 (alinéa 3) de la loi organique n°40-1972 du 1er juin 1972 relative au Tribunal Administratif, « le silence observé par l’autorité concernée, durant deux mois à partir de l’introduction du recours administratif préalable, est considéré comme une décision implicite de refus permettant au concerné de saisir le tribunal administratif, dans les deux mois qui suivent le jour de l’expiration dudit délai ».
Ainsi, si la réponse explicite de l’autorité concernée ne parvient pas au requérant durant les deux mois suivant le dépôt de son recours préalable, celui-ci devra introduire son action en annulation devant le Tribunal Administratif dans les deux mois (60 jours) qui suivent le jour de l’expiration du délai de 60 jours accordée à l’autorité concernée pour répondre au recours préalable.
Concernant le décret n°4506-2013 du 6 novembre 2013 relatif à l’ATT, il a été publié au Journal Officiel n°90 du 12 novembre 2013. Ainsi, le plaignant dispose d’un délai de 60 jours allant jusqu’au 11 janvier 2014 pour déposer un recours préalable contre ce décret auprès du président du gouvernement tunisien contre décharge.
Les délais de recours une fois dépassés, le décret °4506-2013 sera
immunisé contre le recours direct en annulation. Toutefois, il demeure indéfiniment
critiquable, indirectement, par voie d’exception. Une telle voie permet à tout justiciable,
lors d’un procès, de réclamer au juge de ne pas appliquer le décret en question
dans le cas d’espèce pour causes d’illégalité et d’inconstitutionnalité.
Processus du recours
Recours en annulation pour
excès de pouvoir contre un décret à caractère réglementaire
ê
Délais du recours : dans les 60 jours à partir de la publication du
décret au Journal Officiel de République Tunisienne
ê
ü
Nature du
recours : recours administratif préalable
ü
Où déposer
la requête du recours préalable : auprès du président du
gouvernement tunisien
ü
Qui rédige et
dépose la requête : un avocat à la Cour de
Cassation
ê
Délais de réponse de l’autorité
concernée : 60 jours à partir du dépôt du recours
préalable
ê
í î
En cas de refus implicite résultant du silence de l’autorité
concernée durant les 60 jours à
partir du dépôt du recours préalable :
|
En cas de refus explicite de l’autorité concernée durant les 60 jours à partir du dépôt du recours
préalable :
|
|
le requérant devra déposer sa
requête auprès du Tribunal Administratif dans les 60 jours qui suivent le
dernier jour de ce délai.
|
le requérant devra déposer sa
requête auprès du Tribunal Administratif durant les 60 jours qui suivent la date de la
notification du refus explicite.
|
[i] Publiée au Journal Officiel
n°54 du mardi 10 et vendredi 13 août 1982, p 1698.
[ii] Exemples
d’officiers publics assermentés et habilités par des lois spéciales :
Ø Loi n°22-1995 du 14/04/1995 relative à l’organisation
des professions de la marine marchande : les officiers
assermentés de la marine marchande appartenant au ministère des transports sont
spécialement habilités au constat des crimes. (articles 12 et 13).
Ø Code des Douanes : les agents des
douanes, les officiers de la police judiciaire visés par l’article 10 CPP, les
gardes forestiers et les soldats de l’armée tunisienne sont tous assermentés et
habilités par la loi à constater les crimes douaniers. (article 301)
Ø Code des Eaux : les crimes visés
par ce code sont constatés par les agents de la police et de la garde
nationale, les agents assermentés des ministères de l’agriculture et de la
santé publique. Si ces crimes occasionnent des dégâts à la santé publique ou
domaine public de l’Etat, il revient aux ingénieurs du ministère de
l’agriculture et aux médecins et aux ingénieurs du ministère de la santé
publique, dûment habilités à cet effet par la loi, de constater les dégâts en question. (article
156)
Ø Code des hydrocarbures : les officiers de la police judiciaire et les agents des
services des hydrocarbures, dûment habilités, sont chargés de constater les
infractions visées dans ce code. (article 137-1)
Ø Code du patrimoine archéologique, historique et des
arts traditionnels : les officiers de la police judiciaire, les
agents des gouvernorats et des municipalités chargés du contrôle des infractions,
les agents assermentés du ministère de la culture habilités parmi les
contrôleurs spécialisés dans le patrimoine et les agents du ministère de
l’urbanisme habilités parmi le corps des ingénieurs et les techniciens.
(article 86)
Ø Code des ports maritimes : les unités de la marine nationale, les officiers de la
police judiciaire et 9 corps d’officiers publics assermentés appartenant à
plusieurs administrations sont habilités à constater les crimes visés dans ce
code. (article 133)
Ø Code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme : les officiers de la police judiciaire cités aux points1,
2, 3 et 4 de l’article 10 CPP et 6 corps d’officiers publics assermentés
appartenant à plusieurs administrations sont habilités à constater les crimes
visés dans ce code. (article 88)
[iii] L’exigence de formalités supplémentaires, par rapport celles requises pour le recours ordinaire en excès de pouvoir, répond à des impératifs d’opportunité. Etant un recours en annulation contre un texte juridique, le recours pour excès de pouvoir contre un décret à caractère réglementaire implique la formulation de demandes purement et entièrement juridiques puisqu’il n’y a pas de faits à prouver ou à contester. En exigeant l’introduction de l’instance par un avocat à la Cour de cassation, la loi a cherché à garantir un seuil élevé de technicité et de sérieux.
[iii] L’exigence de formalités supplémentaires, par rapport celles requises pour le recours ordinaire en excès de pouvoir, répond à des impératifs d’opportunité. Etant un recours en annulation contre un texte juridique, le recours pour excès de pouvoir contre un décret à caractère réglementaire implique la formulation de demandes purement et entièrement juridiques puisqu’il n’y a pas de faits à prouver ou à contester. En exigeant l’introduction de l’instance par un avocat à la Cour de cassation, la loi a cherché à garantir un seuil élevé de technicité et de sérieux.