A l'époque où Mr Farhat Rajhi était ministre de l'intérieur, l'étude du dossier d'autorisation pour un parti politique s'opérait dans les limites du siège du ministère de l'intérieur, on sentait qu'il y avait une sorte de souplesse lors de l'octroi des visas pour les nouveaux partis de l'après 14 janvier 2011.
Le ministre de l'intérieur exerçait alors souverainement sa compétence en la matière conformément à la loi des partis politiques de 1988.
Cette souplesse était en conformité avec le profil correcte du ministre éclairé et soucieux d'observer la loi, chose qui n'est point surprenante venant d'un fin pénaliste et éminent juge.
Avec le remaniement ministériel opéré par le premier ministre Mr Béji Caied Essebsi, les choses ont changé dans le sens d’une intense implication des services de législation du premier ministère dans l’étude des dossiers et concernant l’octroi des visas des partis.
Désormais, depuis l’arrivée du nouveau ministre de l’intérieur Mr Habib Essid (très proche du premier ministre) le dossier d’autorisation, après étude et avis du ministère de l’intérieur, passe au premier ministère pour étude et avis d’abord par les services de la législation et des affaires juridiques du gouvernement (مصالح التشريع و القانون للحكومة التونسيّة) qui semblent avoir une grande influence sur l’issue du dossier d’autant plus que c’est là où stagne le dossier car ces services ont des affaires plus urgentes et plus importantes à régler et qui concernent des questions d’actualité nationale et internationale.
Après avis des services de la législation du gouvernement, le dossier passe au premier ministre pour la prise de la décision « finale », ensuite il est transmis au ministère de l’intérieur pour signature.
On remarquera que les refus de visas ont augmenté depuis, pas moins de 35 refus entre le 5 et le 27 avril 2011.
Ce nouveau cheminement du traitement des demandes d’autorisation des partis politiques suscite quelques remarques :
- Une lenteur inopportune en ce moment alors que tout le monde veut avoir son visa le plutôt possible pour se préparer aux élections de l’assemblée constituante du 24 juillet 2011.
- Une réaffirmation du rôle politique du chef du gouvernement longtemps marginalisé sous le régime déchu de Ben Ali et réduit au seul travail de coordination interministérielle et la promotion des investissements étrangers en Tunisie.
- Une intention déclarée de ne pas laisser le sort du politique entre les mains du sécuritaire … quoique l’on ne voit pas vraiment une différence entre le traitement des dossiers sous Mohamed Ghannouchi (l’ex premier ministre) et l’actuel premier ministre, c’est même un sentiment de constipation qu’on constate si l’on se réfère au nombre des visas refusés.
- Les refus de visas pour les partis politiques ne sont plus publiés sur la page Facebook du ministère de l’intérieur, le but étant de ne pas humilier encore plus les déposants de la demande d’autorisation. Cette fine attention à l’égard des fondateurs des partis non autorisés n’a pas produit le résultat escompté car ils croiront qu’ils seraient les seuls à être privés de fonder leur propre parti, la signification officielle des refus de visas étant faite par lettre recommandée avec accusé de réception notifiée au fondateur secrétaire général ou président du parti.
Pour finir, il est à rappeler que jusqu’au 27 avril 2011, 180 demandes d’autorisation de partis politiques ont été déposées au ministère de l’intérieur depuis le 14 janvier 2011.
Il y a eu 63 autorisations accordées contre 66 refus de visas, le reste des dossiers est encore en étude.