Peut-on maintenir la pression sur BCE après la Manif du lundi 15 août 2011 ?



    Le message des manifestants sur Tunis le 15 août 2011 est supposé entendu par le gouvernement provisoire, le message de la police est entendu aussi par les manifestants ... un message gustatif, olfactif, sonore et corporel conformément aux bonnes pratiques ancestrales héritées de l'ère ZABA.

A part l'arrogante logique sécuritaire bourguibiste du premier ministre (BCE) , j'accuse avec joie la descente du peuple tunisien dans les rues. 

Ce regain d'intérêt pour le terrain  et pour la chose publique ne peut que pousser le premier ministre temporaire à agir dans le bon sens quoique je doute fort de sa flexibilité politique et de sa bonne foi puisqu'il ne peut plus bénéficier du "bénéfice du doute" sur certaines questions dont notamment sa volonté affichée de ne pas poursuivre les symboles de la pourriture du régime de ZABA. 

Les manifestations du lundi 15 août 2011 ont peut être réussi à atteindre le dé-clique car elles sont guidées d'une part par l'UGTT (la première organisation syndicale du pays) et d'autre part par un groupe de juges et d'avocats.

Concernant les juges, ils sont mal placés pour guider un mouvement contestataire non seulement parce qu'ils sont handicapés par un certain snobisme social de part leur fonction, mais aussi à cause de leur lourd héritage de subordination à l'exécutif qui leur ôte, en effet, toute sorte de crédibilité apriorique aux yeux du peuple, seule victime de leurs sentences arbitraires sous ZABA.

Concernant l'UGTT, on peut compter sur ses bases militantes dont l'apport à la réussite de la révolution n'est point à démontrer. Il n'en demeure pas moins que la situation exige un commandement pour ne pas dire un guide ou un symbole. Ce maillon logistique important que constitue le chef ou l'institution de ralliement autour d'une cause juste, manque terriblement aux vrais et dignes Tunisiens. 

Bien entendu, on ne peut s'attendre à ce que la direction de la syndicale ouvrière (UGTT) puisse remplir ce rôle, puisqu'elle traîne assez de casseroles derrière elle au point de lui ôter toute crédibilité populaire en dehors de ses propres militants plus ou moins disciplinés.

Les avocats ? oui c'est possible mais rien d'officiel pour le moment puisque le Bâtonnier de l'ordre des avocats tunisiens a formellement nié l'adhésion officielle de l'ordre des avocats à la manifestation. ( mosaique fm : déclaration du bâtonnier Mr Abderrazek kilani )

Cette position a priori choquante venant de l'ordre des avocats dans un contexte national pareil pourrait être motivée par plusieurs contraintes :

- Le conseil de l'ordre des avocats ne s'est pas encore prononcé sur la stratégie à adopter.
- Le conseil de l'ordre ne se lance jamais dans une contestation au nom du corps de la profession sans en avoir discuté avec les avocats ou du moins pas sans être certain de leur potentiel soutien.
- Les avocats ne sont pas présents en masse au tribunal de Tunis pour des raisons plus qu'évidentes tenant essentiellement aux vacances judiciaires allant du 15 juillet jusqu'au 15 septembre de chaque année.

Malgré ces quelques motifs, les avocats non RCDistes continuent la bataille en solo comme en témoigne la manifestation menée le 15 août 2011 devant le tribunal de Tunis ainsi que devant le siège du ministère de la justice.

Une telle mobilisation pourrait maintenir un seuil de pression plus ou moins constant au moins devant le palais de justice jusqu'au retour sur le terrain des quelques milliers d'avocats dès la rentrée judiciaire le 15 septembre, mais on ne sait jamais ce qui se passera entre temps du coté du premier ministre qui, étant avocat depuis le début des années 50, sait très bien ce que ça représente en terme de tension s'il préférerait avoir des milliers d'avocats sur le dos... ZABA ne devrait pas lui échapper comme exemple.

Une chose est sûre, la société civile tunisienne a plus que jamais besoin d'un front de locomotion qui soit indépendant par rapport aux partis politiques, un front pour la mobilisation populaire.
L'idée relève de l'utopie dans le contexte actuel mais c'est la seule alternative constructive car il y aura toujours quelqu'un pour dénigrer telle ou telle manifestation organisée par tel parti politique ou telle organisation syndicale ou professionnelle.

Qui fera l'appel public à de nouvelles manifestations pour l'assainissement de la justice tunisienne ? 
Pour les raisons invoquées plus haut ainsi que d'autres plus profondes et délicates, l'UGTT et l'ordre national des avocats ne semblent pas prêts à s'inscrire dans une logique de pression permanente sur le gouvernement de BCE. 

Alors pourquoi pas les pages "révolutionnaires" sur Facebook comme d'habitude me diriez-vous ?
La majorité silencieuse majoritairement RCDiste est capable d'avorter une telle entreprise par le biais de ses procédés habituelles : le pays va tout droit dans le mûr ... ce n'est pas le bon moment ... arrêtez, vous semez la discorde bla bla bla. sachant que le ministère de l'intérieur et le journalisme d'égouts se chargeront de compléter l’œuvre défaitiste de la majorité silencieuse.

Je ne suis pas en mesure de proposer du concret pour maintenir le cap d'une pression populaire constructive contre BCE, mais j'espère que les dignes parmi les tunisiens continueront la lutte pour la concrétisation des objectifs de la "révolution", à savoir : la liberté et la dignité.



One Response to Peut-on maintenir la pression sur BCE après la Manif du lundi 15 août 2011 ?

  1. Esma says:

    Bravo Kaïs pour cette analyse objective et pertinente de la situation actuelle qui ne manque pas de nous interpeller. De part ta profession tu es plus à même d'apporter les éclaircissements justes. je te salue aussi pour les efforts que tu ne cesses de déployer pour vulgariser les décrets-lois d'après le 14 janvier qui pour la majorité des tunisiens restent d'une grande importance.

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