Un jugement de première instance émanant du tribunal de Bruxelles avait ordonné (via une injonction) à un FSI/FAI de procéder à un filtrage systématique pour toute sa clientèle afin de lutter contre l'usage illégal des contenus musicaux via Peer-to-Peer.
Une fois portée devant la Cour d'Appel, l'affaire a été renvoyée à la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) pour requérir sa position sur une question préjudicielle à savoir l'appréciation de la conformité de l'injonction de filtrage avec le nécessaire équilibre entre les différents droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique communautaire et notamment ceux de la libre entreprise, protection des données personnelles, liberté de communication et protection des droits d'auteur.
La CJCE n'a pas opté pour le filtrage systématique et généralisé. Selon Me Etienne Wery : " l'injonction de mettre en place un système de filtrage implique de surveiller, dans l'intérêt des titulaires de droits d'auteur, l'intégralité des communications électroniques réalisées sur le réseau du fournisseur d'accès à Internet concerné, cette surveillance étant en outre illimitée dans le temps. Ainsi, une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d'entreprise de Scarlet puisqu'elle l'obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais.
De plus, les effets de l'injonction ne se limiteraient pas à Scarlet, le système de filtrage étant également susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de ses clients, à savoir à leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu'à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations, ces droits étant protégés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En effet, il est constant, d'une part, que cette injonction impliquerait une analyse systématique de tous les contenus ainsi que la collecte et l'identification des adresses IP des utilisateurs qui sont à l'origine de l'envoi des contenus illicites sur le réseau, ces adresses étant des données protégées à caractère personnel. D'autre part, l'injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d'information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage de communications à contenu licite.
Par conséquent, la Cour constate que, en adoptant l'injonction obligeant Scarlet à mettre en place un tel système de filtrage, le juge national ne respecterait pas l'exigence d'assurer un juste équilibre entre le droit de propriété intellectuelle, d'une part, et la liberté d'entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d'autre part.
Dès lors, la Cour répond que le droit de l'Union s'oppose à une injonction faite à un fournisseur d'accès à Internet de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques transitant par ses services, lequel s'applique indistinctement à l'égard de toute sa clientèle, à titre préventif, à ses frais exclusifs et sans limitation dans le temps."
Pour plus de détails sur l'affaire, voir l'article de Me Etienne Wery publié sur droit-technologie