Depuis toujours, le poste le plus pesant sur les libertés fondamentales en Tunisie était celui du ministre de l’intérieur. En effet, c’est lui qui gère à la guise du pouvoir exécutif en place les dossiers des visas des partis politiques, associations, les médias et les quotidiens ainsi que tout ce qui a touche aux droits à contenus politiques.
Les nouveaux décrets-lois n°87 et 88 relatifs respectivement à la réglementation des partis politiques et des associations apportent du nouveau dans ce domaine. Dorénavant, les prérogatives dictatoriales du ministre de l’intérieur dans les domaines de l’octroi des visas et du contrôle seront dévolues au secrétaire général du Gouvernement Tunisien (SGGT) dans le cas des associations et au premier ministre dans le cas des partis politiques.
La signification de ce glissement de compétences entre les ministères n’est en rien choquante, l’impératif étant de lever la main de fer du ministère de l’intérieur sur les libertés publiques.
Premier Ministre ou secrétaire général du Gouvernement (SGGT), la question n’est pas là car toute l’enveloppe des partis politiques et des associations sera désormais gérée dans les locaux de la place du gouvernement à la Kasba.
A défaut de travaux préparatoires et de débats parlementaires, on ne sait pas vraiment pourquoi a-t-on chargé le SGGT du portefeuille des associations, … peut être pour alléger la tâche du Premier ministre. Le poste SGGT semble avoir gagné en splendeur en tous cas vu qu’il a toujours souffert de marginalisation institutionnelle car son travail ne voyait jamais le jour sur le plan médiatique sous le régime du culte de la personne de Ben Ali.
Avec le gouvernement de Béji Caied Essebsi, le département le plus gagnant en termes d’estime et d’efficacité est indiscutablement le Premier Ministère avec tous ses rouages et ramifications institutionnelles. La dynamique fonctionnelle dont le premier ministère avait fait preuve depuis le 14 janvier 2011 n’est pas à démontrer.
Il est à noter que le portefeuille des partis politiques était discrètement géré par le premier ministère depuis l’arrivée de Béji Caied Essebsi au premier ministre en février 2011. En effet, toutes les demandes de visas des partis politiques passaient, en fait, du ministère de l’intérieur au premier ministère pour prise de décision.
L’octroi de la supervision du portefeuille des partis politiques au Premier Ministre s’inscrit donc dans une logique de continuité fonctionnelle et pratique.
Par ailleurs, on est en droit de se demander si le Premier Ministre ainsi que le SGGT sauront rester neutres lors du traitement des dossiers partis politiques et des associations.
La question se posera encore plus si l’assemblée constituante optera pour un régime parlementaire tel que voulu par le Mouvement Ennahda, un modèle qui maintiendra certainement et durablement tous les pouvoirs dans les mains d’une majorité parlementaire relative à qui reviendra de plein droit tout le portefeuille du premier ministère ainsi que les nominations des hauts fonctionnaires de l’administration d’Etat.
Reste à savoir à qui reviendra le portefeuille de la presse écrite et des périodiques ... en attendant la promulgation du code de la presse.