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L'objet du référendum du 23 octobre selon BCE, compte rendu d'une réunion

Lors d'une réunion avec le premier ministre Tunisien Mr Béji Caeid Essebsi (BCE), j'ai évoqué la question du flou entourant la passation du pouvoir entre l'actuel gouvernement et l'assemblée constituante le lendemain des élections, c'est à dire après le 23 octobre 2011.

28 août 2011 au palais du gouvernement à la Kasba

Après avoir relaté quelques points juridiques et techniques déjà exposés dans ce post relatif à quelques interrogations sur la passation du pouvoir après le 23 octobre 2011 , il m'a semblé que BCE ne maîtrisait pas vraiment les détails juridiques de la passation du pouvoir telle que prévue sommairement dans le décret-loi n°14-2011 relatif à l'organisation provisoire des pouvoirs publics et notamment l'hypothèse selon laquelle le gouvernement actuel pourrait de facto continuer à gouverner pendant des semaines après la date du 23 octobre 2011.

La solution exposée par BCE était la suivante :

BCE m'a clairement dit : " je n'ai ni le pouvoir ni la volonté d'imposer quoi que ce soit à l'assemblée constituante qui demeure libre de choisir, il revient au seul peuple tunisien  de lui imposer un cadre de travail, une tâche précise et un calendrier fixe dans le temps ".

il a aussi insisté sur le fait que l'assemblée constituante n'est point liée juridiquement par le Décret n°582-2011 du 20 mai 2011 portant appel au corps électoral pour l'élection de l'assemblée nationale constituante  qui dispose dans son article 6 que l'assemblée constituante se doit de rédiger une constitution pour la Tunisie dans l'année suivant son élection.

Selon BCE, seul le peuple tunisien pourrait fixer des limites et un calendrier obligatoire pour l'assemblée constituante, d'où l'idée d'un référendum populaire suscitant l'avis du peuple sur ces questions : 

- La constituante remplira-t-elle seulement une fonction de constituante ? ou bien elle aura  aussi une fonction d'assemblée parlementaire exerçant une fonction législative ?

- L'actuel gouvernement ou l'éventuel gouvernement issu de l'assemblée constituante sera-t-il soumis au contrôle de l'assemblée ?

- L'assemblée constituante devra élaborer une nouvelle constitution sous quels délais ? un an ou plus ?

Selon BCE, seul le peuple tunisien pourra répondre à ces questions et ce par voie de référendum organisé le 23 octobre 2011 parallèlement à l'élection de l'assemblée nationale constituante.

BCE avait précisé que les différents scénarios sont en ce moment sur la table des débats au sein de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique.

Le processus me semble soutenable techniquement et pratiquement, il reviendra au peuple de dire son dernier mot là dessus en l'absence de toute légitimité représentative sur la scène politique tunisienne depuis 14 janvier 2011.

A la question : pourquoi le gouvernement persiste à adopter une communication de crise ? il m'a dit : " les médias gouvernementaux sont contre nous ... " je lui ai répondu que je ne parlais pas de la télévision nationale 1 et 2 mais de la communication du gouvernement lui même, sa réponse était que le gouvernement organise depuis quelque temps des points de presse réguliers chaque semaine.

 Quant à la question : pouvez vous avancer davantage dans le processus des réformes au sein du ministère de l'intérieur,  la réponse était suivie d'un large sourire : le processus est déjà en cours.



Interrogations sur la passation du pouvoir après le 23 octobre 2011


Mr BEJI CAEID ESSEBSI , le premier ministre tunisien (BCE) a toujours insisté sur le caractère temporaire de sa mission ainsi que celle du gouvernement et du président de la république. La date des élections de la constituante fixée pour le 23 octobre 2011 est supposée être une date limite pour les gouvernements provisoires qui se sont succédés  en Tunisie depuis le 14 janvier 2011.

Si c'est le cas comme il le disait, l'assemblée constituante est alors supposée théoriquement prendre les commandes du pays dès le 24 octobre 2011 ou peu de temps après cette date.  Pratiquement, ce scénario de passation du pouvoir ne pourra pas se dérouler sur la base d'un calendrier prévisible dans le temps même en temps normal et ce  pour plusieurs raisons :

-1- Il est dit dans l'article premier du décret-loi n°14-2011 relatif à l'organisation provisoire des pouvoirs publics que les dispositions de ce texte demeurent applicables jusqu'à l'entrée en fonction de l'assemblée constituante suite aux élections. 

الفصل الأول ـ إلى حين مباشرة مجلس وطني تأسيسي منتخب انتخابا عاما، حرا، مباشرا وسريا حسب مقتضيات نظام انتخابي يصدر للغرض مهامه، يتم تنظيم السلط العمومية بالجمهورية التونسية تنظيما مؤقتا وفقا لأحكام هذا المرسوم. 

L'entrée en fonction ou l'exercice effectif de sa mission par l'assemblée constituante n'est pas  définie dans le décret-loi n°14-2011, cette lacune pourrait être interprétée et comblée d'une manière imprévisible et en rapport avec les impératifs de la situation du pays.

L'assemblée constituante pourrait mettre des semaines avant d'exercer effectivement ses fonctions, elle pourrait même être contrainte indirectement à ne pas exercer effectivement ses fonctions pour des considérations de sécurité nationale ou autre motif de force majeure facilement « orchestrable »  par un concours de circonstances fortuites ou voulues. 

-2-  Selon l'article 8 du décret-loi n°14-2011 relatif à l'organisation des pouvoirs publics, " le président temporaire de la république assurera la présidence de l'Etat jusqu'à l'entrée en exercice de ses fonctions par l'assemblée nationale constituante. "

الفصل 8 ـ " يواصل رئيس الجمهورية المؤقت رئاسة الدولة حتى تاريخ مباشرة المجلس الوطني التأسيسي مهامه."

Ce qui a été dit au point (-1-) est envisageable aussi dans ce cas.
 
-3- Enfin, il est à noter que le décret-loi n°14-2011 prévoit indirectement son application dans le temps au delà du 23 octobre 2011 comme suit :

 Article 18 : " Les dispositions de ce décret-loi cessent d'être applicables aussitôt que l'assemblée nationale constituante entre en fonction et fixe une autre organisation des pouvoirs publics.

الفصل 18 ـ ينتهي العمل بأحكام هذا المرسوم عند مباشرة المجلس الوطني التأسيسي مهامه وضبطه تنظيما آخر للسلط العمومية. 

 Cet article est très important d'un point de vue pratique car il subordonne la fin d'application de l'actuelle organisation des pouvoirs publics à deux conditions cumulatives à savoir : l'entrée  en fonction de l'assemblée constituante et l'approbation par celle-ci d'une nouvelle organisation des pouvoirs publics.

Nous savons déjà que la notion " d'entrée en fonction " de l'assemblée constituante est ambiguë et indéterminable d'une manière certaine non seulement dans le temps mais encore sur le plan de la forme.

S'ajoute à tout ça la condition de mise au point par la constituante d'une nouvelle organisation des pouvoirs publics remplaçant celle actuellement en vigueur. Cette condition suscite les interrogations suivantes :

-         Sous quels délais la constituante se dotera-t-elle d'une nouvelle organisation des pouvoirs publics ? Arrivera-t-elle à un compromis sur ce point dans des délais abrégés ? Mais surtout avant de traiter le fond du sujet, suivant quel règlement ou mode de fonctionnement interne la constituante poursuivra-t-elle sa mission

Raisonnablement, la constituante élira d'abord un président, distribuera les fonctions puis fixera son règlement interne ou bien l’inverse. Une fois convenablement installée et organisée, la constituante se penchera alors sur la question de la nouvelle organisation des pouvoirs publics.

Un tel calendrier de priorités fera en sorte que la nouvelle organisation des pouvoirs publics ne puisse voir le jour qu'après des semaines à compter du 23 octobre 2011.  Ainsi, l'actuel décret-loi n°14-2011 restera en vigueur avec tout ce qu'il comporte comme organisation des pouvoirs et des institutions et notamment celles du président de l'ETAT, du premier ministre et du gouvernement, supposés tous passer la main aussitôt la constituante réunie.

-         En attendant l’approbation de la nouvelle organisation des pouvoirs publics, qui dirigera le pays ? L’article 8 du décret-loi n°14-2011 nous disait déjà que « le président temporaire de la république assurera la présidence de l'Etat jusqu'à l'entrée en exercice de ses fonctions par l'assemblée nationale constitutive. " La disposition est logique puisque il revient, depuis toujours, au président de la république d’assurer la continuité de l’Etat et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

Tant que le décret-loi n°14-2011 demeurera en vigueur en attendant une nouvelle organisation des pouvoirs par la constituante, le président continuera à présider. En effet, le gouvernement devra à son tour continuer sa mission après le 23 octobre sur la base de l’actuelle organisation des pouvoirs jusqu’à ce qu’il soit possible de passer la main à la constituante, car raisonnablement, la passation  prend du temps.

Enfin de compte, le provisoire ne semble pas a priori aussi provisoire qu’on le croyait.




Montant de la transaction en matière d'infractions de transport routier