Propos sur le financement des partis politiques en Tunisie

Aujourd’hui plus que jamais, on a besoin de voir les règles régissant le financement des partis politiques appliquées sur l’ensemble des partis politiques en Tunisie, crédibilité et transparence obligent.
Certains articles de la loi n°32-88 du 3 mai 1988 organisant les partis politiques ont vocation à être appliqués dans le contexte actuel en Tunisie.

Article 12 : « Tout parti politique légalement constitué peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer :
-          ……
-          ……
-          Les dons et les libéralités doivent faire l'objet d'une déclaration mentionnant notamment l'objet, la valeur et le ou les auteurs du don ou de la libéralité. Cette déclaration est faite par les dirigeants du parti au ministère de l'Intérieur dans les trois mois qui suivent la donation ou la libéralité. »

On est en droit de se demander si cette obligation de déclaration des dons est réellement respectée par les partis politiques en Tunisie. Malheureusement, la réponse par la négative s’impose alors qu’on passe probablement par la période la plus suspecte qui précède le lancement de la campagne électorale pour le compte de la course vers l’assemblée constituante.
Avant le 14 janvier 2011, le RCD (parti dissout de l’ex-président en fuite et actuellement recherché par INTERPOL) obligeait les fonctionnaires de l’Etat ainsi que les hommes d’affaires à concourir au financement de ses compagnes ainsi que celles du président de la république en fonction.

Une loi naturelle ancienne comme le monde énonce que : rien ne se perd, tout se transforme.  L’illégalité et l’obscénité des pratiques financières illégales du RCD ne pouvaient pas quitter le paysage  tunisien même avec la dissolution de ce dernier, le trafic n’a fait que changer de maître car tout se transforme.
Aujourd’hui, certains partis politiques font outrageusement et indirectement la collecte des fonds devant les mosquées avant et après les prières en se basant sur un discours religieux. Bien entendu, on ne peut que vigoureusement désapprouver cette malsaine  et malheureuse instrumentalisation de la religion et des lieux de culte.
L’actuel laxisme dans l’application de la loi en cette période est un vrai catalyseur de remplissage des caisses noires des partis politiques. Inutile de rappeler que, dans une large proportion, c’est l’importance des réserves de la caisse noire qui fait la différence entre les partis lors d’une campagne électorale.

Article 16 : « Le parti politique ne peut recevoir aucune aide matérielle directe ou indirecte de l'étranger ou d'étrangers établis en Tunisie, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit.
Il doit tenir une comptabilité à partie double et un inventaire de ses biens meubles et immeubles.
Il est tenu de présenter ses comptes annuels à la Cour des Comptes. Il doit être à tout moment à même de justifier la provenance de ses ressources financières. »

Sans grand risque de se tromper, on s’accorde à dire que certains partis tout comme leur responsables vivent de financement étranger occulte par divers procédés de diversion et une multitude d’associations et de fondations caritatives écrans. Les fonds de financement étrangers proviennent généralement d’organismes installés dans les monarchies du Golf arabe, dans des pays d’Asie et d’Europe et notamment la Grande Bretagne.

L’article 16 précité oblige les partis politiques à tenir une comptabilité régulière. Il prévoit aussi un contrôle annuel a posteriori des finances des partis par la Cour des Comptes, haute instance de contrôle juridictionnel des finances publiques.
La disposition qui nous intéresse le plus dans l’article 16 est celle qui oblige les partis politiques à pouvoir justifier à tout moment la provenance de leurs ressources financières. En effet, c’est le moment ou jamais pour que les pouvoirs publics ordonnent un audit inopiné sur les comptes bancaires et les avoirs des partis politiques sur la base de cette disposition de l’article 16 de la loi des partis politiques de 1988.

Un tel audit permettra d’office de mettre de l’ordre dans cette anarchie partisane, il permettra aussi d’avoir une réelle estimation des ressources des partis afin que l’on puisse par la suite établir d’éventuelles irrégularités futures tenant à un écart manifeste entre les avoirs déclarés et les dépenses effectives des partis lors de la campagne électorale.
Un tel audit ne fera que du bien, il calmera autant soit peu cette hyperthermie financière suspecte et obligera les partis à observer une période de régularité dans cette atmosphère de non-droit.
Le résultat de l’audit suggéré pourrait aboutir à l’application des articles ci-après cités :

Article 19 : « Le ministre de l'Intérieur peut, en cas de violation grave des dispositions de la présente loi, demander la dissolution d'un parti politique au Tribunal de Première Instance de Tunis et notamment :
…….
…….
s'il a été établi qu'il a reçu directement ou indirectement une aide matérielle d'une quelconque partie étrangère ;
……. »

Cet article historique avait servi comme base juridique pour la dissolution du RCD, il devra aussi servir pour dissoudre les partis ayant fait recours à des voies suspectes impliquant le bénéfice d’aides étrangères sous n’importe quelle forme. Le terrain est propice pour un tel audit sur les partis dans la mesure où personne ne pourra reprocher à l’actuel gouvernement provisoire le recours à ce contrôle financier sachant que ce gouvernement bénéficie d’un seuil élevé de neutralité car d’une part, il ne représente aucun parti et d’autre part, il s’est publiquement engagé à ne pas permettre à ses membres de se présenter aux prochaines élections de l’assemblée constituante.
On a besoin de bâtir sur du solide et du propre, les honnêtes tunisiens n’ont jamais vécu dans un environnement politique et partisan sain ni encore participé à une élection libre et honnête au vrai sens du terme.

En définitive, être dirigeant d’un parti politique n’est pas que source de notoriété, c’est aussi une lourde responsabilité qui peut mener à la prison pour 5 ans sur la base de cet article : 

Article 25 : « Est puni d'un emprisonnement de cinq ans au maximum tout fondateur ou dirigeant d'un parti :
………….
qui reçoit des fonds provenant d'une partie étrangère directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, pour son compte personnel ou pour le compte du parti.
La tentative est punissable.
Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l'application des articles 60 à 80 du Code pénal. »

Cet article a certainement vocation à s’appliquer à certains dirigeants de partis politiques en Tunisie, je serai heureux de le voir en œuvre un jour.

Par ailleurs, il est très important d’exiger d’un parti politique la dissociation entre sa propre  comptabilité et la comptabilité de son journal ou son organe de presse. Nul besoin de rappeler que les revenus de la publicité dans les journaux des partis servent à alimenter directement les caisses noires des partis. Une telle dissociation entre les comptabilités garantira plus de transparence dans la gestion et le contrôle des finances des partis.

Parmi les partis autorisés après le 14 janvier 2011, le mouvement ENNAHDA est le premier à obtenir l’autorisation de publication de son propre journal « AL FAJR », l’avenir proche nous dira si ce journal servira à poursuivre sa finalité légale de propagande pour le parti et son programme ou  bien à récolter les revenus publicitaires. Cette remarque relative au journal du mouvement ENNAHDA vise aussi les autres partis ayant leurs propres  journaux avant le 14 janvier 2011. 

One Response to Propos sur le financement des partis politiques en Tunisie

  1. Quid des dons des personnes morales avec:
    Participation étrangère (Majoritaire, minoritaire,...)
    Quid des personnes morales sous forme de SA (le capital est anonyme
    Quid des personnes morales dont le CA contient des étrangers indépendamment de la structure du capital

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