28/02/2011
Un article rédigé par l'excellente Me Murielle Cahen et publié sur Droit & Technologies
En quelques années, Facebook est devenu un réseau social incontournable. Lieu de discussion, de partage, Facebook fait partie intégrante de nos vies. Des milliers d'internautes l'utilisent chaque jour. Certains partagent toute leur vie quand d'autres n'en dévoilent qu'une partie. Ainsi, le monde et les relations sociales se virtualisent de plus en plus.
Certains individus n'hésitent pas à révéler leur vie privée quitte à donner parfois trop de détails. Le problème n'est pas de raconter sa vie, chacun est maître de dire ce qu'il veut bien en dire, mais justement de ne pas trop rentrer dans l'intimité. Trop se dévoiler, parler trop vite, publier sans réfléchir peut porter atteinte à son image ou à celle d'autrui.
Facebook représente la base de données la plus importante au monde. Il faut donc savoir gérer l'information que l'on publie et ne pas trop divulguer d'informations sur sa vie professionnelle ou sa vie personnelle. Certains détails peuvent en effet nuire bêtement. D’où la question de savoir si les informations recueillies sur la page Facebook constituent ou non un moyen de preuves licites ?
A cette question, certains tribunaux français ont déjà répondu par l’affirmative (1). Mais est-ce réellement le cas ? (2)
1) La preuve par Facebook : une preuve licite
Le Tribunal aux Affaires Familiales de Nancy a jugé recevable pour preuve une page imprimée du réseau social Facebook dans une affaire où le litige portait sur le versement d'une pension alimentaire. En l’espèce, un père de famille sans nouvelles de sa femme et de sa fille, apprend que celle-ci a un compagnon dont elle a eu un enfant. Or, le père verse une pension à son ex-femme. Cette pension doit être versée sans condition d'âge des enfants tant qu'ils n'ont pas de revenu.
Le tribunal estime que ses déclarations sur Facebook constituent un aveu, et a donc prit pour preuve recevable les copies des pages Facebook montrant des photos de la fille avec son bébé et son compagnon. Ce dernier devra désormais se substituer au père pour subvenir au besoin de sa "nouvelle" famille.
Le Conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a également jugé « fondé » le licenciement de deux de ces salariés pour « incitation à la rébellion » en raison de propos tenus sur le « Wall » de leurs pages Facebook. En l‘espèce, l'un des salariés, s'estimant mal considéré par sa direction, avait ironisé sur sa page personnelle, en disant faire partie d'un « club des néfastes ». Deux autres employées avaient répondu: « bienvenue au club ».
La société avait fait valoir qu'elle n'avait pas « violé la vie privée de ses salariés », les propos ayant été échangés « sur un site social ouvert ». En revanche, les salariés ont plaidé que l'échange entre les salariés avait un caractère strictement « privé ». Ce qui n’a pas empêche le Conseil des prud’hommes de valider le licenciement desdits salariés. Se pose alors la question de savoir si un cet élargissement de l’espace public, englobant peu à peu l’immense étendue des réseaux sociaux, est à même de garantir qu’un procès équitable soit respecté ?
2) La preuve par Facebook : une preuve illicite ?
Outre cette question de la nature publique/privée des réseaux sociaux, qui fait peser sur l’internaute une obligation de prudence préalable au partage d’information, il s’avère que la véritable révolution portée par ce nouveau contentieux, demeure l’allègement du fardeau de la preuve pour celui qui veut faire cesser les conséquences préjudiciables de l’exercice abusif de la liberté d’expression. En effet, en cas de litige, le réseau social devient le « royaume de la preuve ».
Or, en s’entourant de peu de précautions pour accueillir ces modes de preuves, les magistrats semblent ignorer qu’il est très simple de falsifier une page Facebook, voire de la pirater ponctuellement. Voici incontestablement l’un des apports inquiétants de la preuve par Facebook. Cette admission soulève deux difficultés : celle de l’origine du document électronique d’une part et celle l’obtention de celui-ci d’autre part.
Premièrement, il n’est pas sûr qu’en présence d’un message posté sur un « wall » Facebook qu’il « puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. » . Deuxièmement, rappelons qu’en principe, la preuve doit être obtenue loyalement . Il en résulte notamment qu’au civil comme au pénal la preuve obtenue par « un procédé déloyal (rend) irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue » .
Par conséquent, on peut se demander si les trois salariés n’ont pas été piégés par leur ami supposé, de sorte que la preuve aurait dû être jugée irrecevable. Aussi, espérons que cette affaire soit portée en appel afin que la Cour d’appel se prononce sur la loyauté de l’obtention de la preuve par Facebook.